À la Fondation LVMH, deux expositions ont rejoué cet été une partie de l’histoire de l’art moderne, dans ce bâtiment de Frank Gehry planté aux abords du bois de Boulogne depuis maintenant 10 ans.
La construction est toujours aussi labyrinthique, et quand, parvenu au terme de sa déambulation, on arrive aux terrasses, il me semble (j’y songe depuis longtemps) que Gehry avait en tête un modèle, au moment de concevoir ce bâtiment, celui du Château de Chambord, dont le faite, parsemé de clochetons et d’édifices, offre une vue similaire sur les bois.
Ces deux expositions sont indépendantes, mais il est clair qu’elles s’articulent. On sait en effet l’influence qu’eut Matisse sur la peinture américaine.
Henri MATISSE vs Ellsworth KELLY
Fondation LVMH, PARIS
4 mai - 9 septembre 2024
Richard Leydier
Si le jeune Pollock lorgna du côté du surréalisme et de Picasso, on peut estimer que Barnett Newman et tout le Colorfield, donc Kelly, ont regardé la peinture de Matisse, auquel ils ont emprunté les aplats. On pourrait même avancer qu’un Philip Guston n’y était pas insensible, un tableau de Matisse dans cette exposition montrant en effet par avance des accents gustoniens.
L’exposition matisséenne (commissaire : Ann Temkin) était une exposition dossier, consacrée à un tableau phare, l’Atelier rouge de 1911. Il représente l’atelier du peintre à Issy-les-Moulineaux, et l’on peut y voir accrochées au mur d’autres œuvres de Matisse qui étaient aussi présentées dans l’exposition de Neuilly, comme surgies du tableau emblématique. Ce tour de force fait toute la beauté et la magie de cette présentation, d’être parvenu à rassembler ces œuvres, les icones de l’écran d’accueil devenant réalité.
Il y aurait beaucoup à dire sur cette exposition, je me bornerai à écrire que ce tableau, l’Atelier rouge, après moultes péripéties, est parti pour New York où il fut acquis par le MoMA. Devant la rétrospective consacrée à Ellsworth Kelly à la Fondation (commissariat général : Suzanne Pagé), on a encore en tête l’aplat obsédant de l’Atelier rouge. Et devant le grand tableau jaune de Kelly posé au sol (Yellow Curve, 1990), on se prend à penser à Wolfgang Laib. Et l’on comprend que Matisse est présent de bien des manières dans l’art d’aujourd’hui. Peut-être même plus que Picasso finalement.
Henri Matisse, L'Atelier rouge, 1926. 181 x 219,1 cm. The Museum of Modern Art, New York
Ellsworth KELLY, Yellow Curve, 1990. Acrylic on canvas on wood. 777 x 742 x 3 cm
*Toutes les images Courtesy LVMH
At the Fondation LVMH, two exhibitions revisited a part of modern art history this summer in the Frank Gehry building nestled by the edge of the Bois de Boulogne for the past 10 years. The building remains just as labyrinthine, and when, upon completing the winding journey, one arrives at the terraces, it seems to me (I've thought of this for a long time) that Gehry had a model in mind while designing this structure—the Château de Chambord, whose spire, dotted with turrets and structures, offers a similar view over the woods.
These two exhibitions are independent, yet clearly interlinked. Matisse's influence on American painting is well-known. While the young Pollock leaned toward Surrealism and Picasso, Barnett Newman and the Color Field artists, including Kelly, drew inspiration from Matisse's use of flat, solid areas of color. One might even argue that Philip Guston was not unaffected by it; indeed, a painting by Matisse in this exhibition displays early hints of Guston’s stylistic accents.
The Matisse exhibition (curator: Ann Temkin) was a dossier exhibition, focusing on a landmark painting, The Red Studio from 1911. It depicts the artist’s studio in Issy-les-Moulineaux, with other Matisse works hung on the walls—some of which were also displayed in the Neuilly exhibition, seemingly emerging from this emblematic canvas. This feat is the true beauty and magic of the presentation: achieving the gathering of these works, making the icons from the entry screen come alive.
There is much to say about this exhibition; I will limit myself to noting that this painting, The Red Studio, after many adventures, was sent to New York, where it was acquired by MoMA. Faced with the Ellsworth Kelly retrospective at the Fondation (general curator: Suzanne Pagé), the viewer still has the obsessive flatness of The Red Studio in mind. Standing before Kelly’s large yellow painting placed on the floor (Yellow Curve, 1990), one is reminded of Wolfgang Laib. And it becomes clear that Matisse is present in numerous ways in today’s art. Perhaps even more so than Picasso, ultimately.
Henri MATISSE vs Ellsworth KELLY
Fondation LVMH, PARIS
4 mai - 9 septembre 2024
Richard Leydier